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Cher Jardin des Nouzeaux,

Tu te trouves tout près de chez moi, et cela fait de nombreuses années que j’entends parler de toi. Mais c’est seulement l’an dernier que j’ai franchi ta lourde porte verte. Nous avons été accueillis, mes enfants et moi par une de tes jardinier-es, avec son sourire heureux et pétillant, offrant aux enfants un petit mobile en bois. Il y avait une profusion de fleurs au loin et nous nous sommes promis de revenir pour en explorer tes tours et tes détours.

Puis la classe de mon fils est venue jardiner, et je n’ai plus pu me passer de toi. C’est si agréable d’y venir prendre un peu de calme quand il n’y a personne, un peu d’échange quand il y a quelqu’un…

Tu es un Jardin de la richesse, on récolte des fruits, des légumes, des sensations, des conversations, de toutes sortes. Il y a des gens très différents, des animaux et même la nature y a son petit coin sauvage, ainsi on y rencontre nécessairement l’inconnu. J’aime savoir que tout y a sa place, l’ardeur humaine, la flânerie, mais aussi le respect des rythmes et de la fragilité de la nature. On y entend des rêves, des peurs, des utopies. 

Tes parents, tes créateurs ont réussi l’incroyable. Ils ont mis tout leur cœur pour te voir naître puis grandir, chacun avec ses motivations, ses visions de ce que tu deviendrais. Aujourd’hui, tu es toi, tu as bien un petit quelque chose de chacun de tes parents, mais tu n’es identique à aucun d’eux, tu es autre. Ils sont encore là, près de toi à te regarder devenir un jardin si différent de leur rêve à chacun, mais fidèle mélange de tous. Je crois que ce moment est un peu difficile pour eux.

Maintenant, j’ai été élue présidente de ceux qui souhaitent te gérer. Je sais bien que tu préfèrerais être libre. Tu es encore petit pour toute cette énergie et les envies de tous ces Malakoffiots qui te jardinent, te flânent, te rêvent. Ils sont nombreux et tu n’es pas si grand. Ta vocation écologique et humaine est encore fragile.

J’ai commencé ma vie professionnelle avec la découverte de la gestion différenciée d’un grand parc, et simultanément la gestion d’un tout petit jardin très très privilégié, bondé de jardiniers à demeure. Ainsi je sais que le jardinage est une tradition qui se perpétue avec l’idée d’une nature immense et peu de moyens humain, et quand il y a beaucoup de jardiniers, ils doivent désapprendre la peur que la nature soit trop forte. Ils doivent apprendre à être précis, plus doux, à prendre le temps. J’espère te faire profiter de ce que j’ai déjà appris en matière de résolutions des tensions humaines autour des différents types culturels de jardinage et de l’importance cruciale de la communication. Je peux mesurer ta haute modernité et ainsi te féliciter d’être à la pointe de ce qui se fait en jardinage écologique. 

Jardin des Nouzeaux, à travers tes prochains projets, j’espère que tu arriveras à donner le bonheur qu’attendent tes jardiniers, que chacun s’y sente chez lui avec ses références variées, sans perdre en chemin tes vocations. Pourras tu être jardin intérieur du Sud, jardin anglais, jardin à la française, terrasse proprette, colline et vallée sauvage ? 

Non, je sais que tu ne seras pas tout à fait le Paradis de chacun, comme tu n’es le clone d’aucun des rêves que tes parents ont fait pour toi. Tu donnes du bonheur à tous et tu émerveilles les passants.

Demain je viendrai encore me promener sur tes allées, je découvrirai les passages des jardiniers, les traces des saisons, la nature des micro zones sauvages, ton troglodyte et ton rouge-gorge, les traces des furets. J’ai hâte de m’assoir à nouveau avec quelques jardiniers et partager à manger, à boire, à raconter, à rire. A demain !

Lora, présidente du jardin partagé des Nouzeaux.